Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
Une femme palestinienne inspecte les décombres de sa maison détruite par l'armée israélienne à proximité du rond-point de la Palestine dans le centre de la ville de Gaza, Gaza, 16 janvier 2024. Crédit : Omar El Qattaa/Amnesty International
Rapport annuel 2023/2024 : un bilan sombre qui doit nous alerter
Nous publions ce 24 avril notre rapport annuel. Un an d’enquêtes, 155 pays analysés par plus de 80 chercheurs et chercheuses indépendants et impartiaux. Cette année encore, nous dressons un bilan implacable des violations des droits humains partout dans le monde. Et nous alertons sur la défaillance des mécanismes internationaux.
Chaque année, nous publions la somme de nos enquêtes dans notre rapport annuel. Un rapport fort de plus de 500 pages, qui alerte. Un rapport qui dérange aussi, celles et ceux qui bafouent les droits humains... et qui préfèreraient le faire dans l’ombre. Un signal d'alarme pour rappeler aux États qu'ils sont responsables de la situation des droits humains dans leur pays. Un moyen de rendre hommage au travail des journalistes, des militants et militantes et des défenseur.es des droits humains qui luttent courageusement pour un monde plus juste et plus égalitaire. L’occasion enfin, de rappeler la force de notre travail d’enquête, qui permet d’établir des faits. Un outil particulièrement précieux à l’heure où les fake news pullulent.
En 2023, un bilan alarmant
Ce que dénonce notre rapport :
En Israël et dans les territoires palestiniens occupés, au Soudan, en Ethiopie, au Myanmar, en Syrie, au Sahel, en Ukraine ou encore en République démocratique du Congo : les civil·es pris dans les conflits paient le prix fort, sur fond de violations du droit international par les États. Ce mépris flagrant pour le droit international affiché par les Etats parties au conflit est exacerbé par l’incapacité des Etats membres des institutions internationales à mettre un terme aux bains de sang infligés aux populations civiles. Cette inertie menace d’extinction l’ordre mondial fondé sur le droit créé au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Les technologies nouvelles ou existantes sont de plus en plus été utilisées comme armes au service de forces politiques répressives dans le but de diffuser de la désinformation, de dresser les communautés les unes contre les autres et d’attaquer les minorités. En cette année électorale majeure, et face au pouvoir croissant des lobbies antiréglementation menés et financés par les géants de la technologie, ces avancées technologiques débridées et non réglementées constituent une énorme menace pour nous tous et toutes. Elles peuvent être utilisées comme armes au service de la discrimination, de la désinformation et de la division.
En Afghanistan, les talibans se livrent à un potentiel crime contre l’humanité fondé sur le genre. En Iran, les femmes qui refusent le port obligatoire du voile sont traquées et harcelées. Aux Etats-Unis, 21 États ont interdit ou sévèrement limité l’accès à l’avortement. Tandis qu’en Pologne, au moins une femme serait morte en 2023 faute d’avoir eu accès à des services d’avortement. Par ailleurs, l’hostilité envers les personnes LGBTI s’est intensifiée dans de nombreux pays et 62 pays ont encore des lois érigeant en infraction pénale les relations sexuelles entre personnes de même sexe.
Et tandis que les membres de la nation Wet'suwet'en s’élèvent au Canada contre la construction d’un immense gazoduc traversant leur territoire ancestral, ils sont harcelés et criminalisés. En savoir plus sur leur combat.
Le rapport annuel d’Amnesty International dresse un tableau affligeant caractérisé par une répression alarmante des droits humains et de multiples violations des règles internationales, sur fond d’accroissement des inégalités mondiales, de rivalités entre superpuissances pour la suprématie et d’aggravation de la crise climatique.
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International
Des panaches de fumée s'échappent d'un incendie dans un entrepôt de bois dans le sud de Khartoum, au milieu des combats en cours, le 7 juin 2023. Crédit : AFP
Une mobilisation toujours plus forte
Face à ces nombreuses atteintes aux droits humains, des personnes se sont levées pour manifester, protester et signer des pétitions pour un avenir meilleur. Grâce à leur mobilisation, des victoires et des avancées sont à célébrer.
Elles étaient plus nombreuses que jamais, pour exiger la protection des droits humains et le respect de notre humanité commune.
Des manifestants et manifestantes sont descendus dans la rue aux États-Unis, en Pologne et au Salvador pour revendiquer le droit à l’avortement.
Aux quatre coins de la planète, des milliers de personnes ont rejoint le mouvement de jeunes Fridays for Future afin de réclamer l’abandon équitable et rapide des énergies fossiles.
A Taiwan, à la suite du travail de plaidoyer mené par le mouvement #MeToo et d’autres organisations de la société civile pour mettre fin aux violences sexuelles en ligne, le gouvernement taiwanais a adopté une modification de la Loi relative à la prévention des agressions sexuelles.
Bien qu’étant loin d’avoir pris toutes les mesures nécessaires, la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP28) s’est prononcée en faveur d’une « transition vers l’abandon » des combustibles fossiles. C’était la première fois que ceux-ci étaient mentionnés dans une décision de COP.
En Turquie, après des années de travail de campagne en leur faveur, les quatre défenseur·es des droits humains (pour certains membres d’Amnesty International) – Taner Kılıç, İdil Eser, Özlem Dalkıran et Günal Kurşun, condamnés en juillet 2020 sur la base d’accusations infondées – ont finalement été acquittés.
Nouvel exemple parmi de nombreux autres : le militant afghan du droit à l’éducation Matiullah Wesa a été libéré en octobre 2023 après des mois de campagne. Il a passé près de sept mois en prison pour avoir défendu le droit à l’éducation des filles et critiqué la politique des talibans interdisant aux filles de poursuivre leur scolarité dans le secondaire.
Le droit de manifester est essentiel pour attirer l’attention sur les atteintes aux droits humains et sur les responsabilités des dirigeants et dirigeantes. Les gens ont clairement fait comprendre qu’ils voulaient le respect des droits fondamentaux ; les gouvernements doivent à présent montrer qu’ils les ont entendus
Agnès Callamard
25/06/2023 Istanbul, Turquie. Un manifestant se heurte à la police lors de la marche des fiertés LGBTI+. Photo de MERTCAN BUKULMEZ/Middle East Images/AFP via Getty Images
Le combat continue
Compte tenu de l’état alarmant de la situation mondiale, il faut agir de toute urgence pour redynamiser et renouveler les institutions internationales censées sauvegarder un ordre mondial basé sur le droit et des principes d’humanité. Des mesures doivent être prises pour réformer le Conseil de sécurité des Nations unies afin que les membres permanents ne puissent plus utiliser leur droit de veto sans aucun contrôle pour empêcher la protection de populations civiles et renforcer leurs alliances géopolitiques. Les gouvernements doivent aussi prendre des mesures législatives et réglementaires fermes pour lutter contre les risques et les préjudices liés aux technologies de l’intelligence artificielle et au règne des géants technologiques.